Rando GR10 - Récit du 8° et dernier jour

« Camping de Saint-Étienne de Baïgorry – Gîte de Saint-Jean-Pied-de-Port»

Drôle de journée !

Assez enthousiaste de repartir malgré un mauvais temps dont je recevrai les premières gouttes quelques minutes après mon départ seulement, je sens que le repos m’a fait du bien et je grimpe la longue montée qui m’attend avec assez de facilité. Mais la difficulté sera rapidement grandie par la pluie continue, la boue et ensuite le brouillard ! Pas facile d’avancer dans de telles conditions, d’autant plus qu’il ne fait pas spécialement chaud. Cela m’offrira en échange de superbes vues sur des vallées basques rendues brumeuses, à la limite du fantastique ; mais une fois le col d’Aharza atteint au bout de 2h de montée, le temps va sérieusement empirer. Je trouve alors une grange à bestiau vide, qui me permettra de m’abriter et de manger un bout.

C’est alors que je vais faire le déjeuner le plus glauque de ma vie : Seul, perdu dans le brouillard en haut de nulle part, la pluie battante, le vent poussant des hurlements (mais un vent pas suffisamment fort pour dégager toute cette purée…), assis sur le ciment de la grange et mouillé de la tête aux pieds (le k-way ça n’isole qu’un temps, la prochaine fois ne pas oublier le poncho…), en train d’essayer de manger quelque chose sans grande conviction, tout en grelotant et en essayant de ne pas laisser aller son mental à de rapides appréhensions comme celle de ne pas pouvoir trouver la suite du chemin – d’autant plus que les montagnes basques sont réputées pour mener en bateau même les plus grands des randonneurs lors de telles intempéries. Bref, la seule véritable conviction que j’ai à ce moment est de m’échapper de ce lieu gai comme la mort et d’arriver au bout de l’étape. Il pleuvra jusqu'à la fin de la journée, heureusement un petit détour me permettra d’éviter le pic du Monhoa dans le brouillard (même si je ne gagnerai que quelques minutes au final…), et de rejoindre un petit groupe de chèvres immobilisées sans doute par le froid et la pluie… Et je vous promets, ça fait une drôle d’impression de tomber sur 100 statues vivantes, pas un hochement de tête, pas un beuglement, rien!

Au bout de 4h de montée, je commence donc la descente qui sera, comme d’hab, interminable, 2h de supplices pour les articulations, rouillées par la flotte (je suis un poète parfois, je sais pas si vous avez remarqué ! :p). Et j’avoue qu’à ce moment là, j’ai envie de tout balancer d’exaspération ! Je ne rencontrerai pas un chat, en dehors d’une pauvre truie (ne riez pas), abandonnée, laissée seule dans un pré au milieu de nulle part, sous la pluie et sans abri… Elle est venue me voir comme un chien en manque de tendresse, avec un regard vif comme l’éclair et une sacrée intelligence, lorsqu’elle compris rapidement qu’elle ne pourrait pas me rejoindre, me regardant de derrière sa barrière… c’était franchement touchant, et même troublant ! On dit souvent que le cochon est une espèce très intelligente, plus que le chien, et d’ailleurs on en trouve parfois en animal de compagnie… Je crois que je ne pourrai plus manger de jambon pendant quelques temps… Ahh, foutue culpabilité humaine !

J’arrive enfin à Saint-Jean-Pied-de-Port après avoir traversé quelques hameaux et villages, bien énervé et fatigué par cette hideuse route, l’absence de marquage des rues, ce goudron insupportable et ces voitures qui semblent aller trop vite… D’ailleurs tout semble aller trop vite ! J’hésite à aller au camping municipal mais vraiment, j’en peux plus de la flotte et ne me vois pas planter la tente sous la pluie. Dans ces moments là, on rêve d’un bon lit, d’une bonne douche et d’un peu de chaleur. J’ai donc appelé le premier gîte qui me tombera sous la main et je ne regretterai pas ce geste, qui me fera par la suite comprendre beaucoup de choses et rencontrer des gens formidables !

Très bien accueilli, je rentre et à peine mes guenilles trempées déposées à l’entrée, que l’on m’offre une paire de savates ! Ce petit geste d’accueil réconforte vraiment ! Il est vrai que je suis dans une des plus fameuses cités du chemin de Compostelle. Je ferai ce soir là connaissance du fameux Julien, qui a fait 2 semaines de Compostelle en VTT, et qui arrivera juste après moi. Le temps de se décrasser, nous avons sympathisé très vite et nous sommes offerts un goûter de roi bien folklorique – tout comme le dîner d’ailleurs ! :P Qu’est-ce qu’on a rigolé de nos péripéties ! On a fait la connaissance de nombreux pèlerins, de tous âges, de toute origine, plus quelques randonneurs. Nous avons écouté leurs histoires, leurs anecdotes, les rencontres marquantes de chacun, leur quête personnelle… Un grand moment aussi amusant que passionnant et touchant, et les adieux ont toujours été aussi chaleureux que les rencontres ! Dans quelques jours, je ne me rappellerai plus ni des prénoms ni même des visages, mais je garderai en moi toutes ces rencontres, si simples, si amicales et si évidentes surtout… Que c’est bon, réellement, de vivre ça.

JC, le lundi 25 septembre

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